Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Karina Lagarrigue. Je suis psychologue clinicienne, expatriée de naissance et mère de deux enfants nées en Belgique, mais qui ont vécu dans 3 pays différents déjà (Ils font partie de ce qu’on appelle TCK- third culture kids).

Doctorante sur un trait de notre tempérament appelé sensibilité de traitement sensoriel (SPS), plus connu sous le nom de personnes hautement sensibles.

Quel est le thème de votre thèse ?

J’essaye d’observer comment se passe la transition à la maternité, donc devenir maman, chez les mères expatriées. Il y a un terme qui s’appelle “matrescence”, qui vient de l’anthropologie qui fait référence à un processus de développement semblable à l’adolescence. Par lequel toutes mamans vont passer au moment de devenir mère.

Cela s’explique par l’observation d’un gros changement, physique, corporel /hormonel mais aussi par l’identité chez les femmes lorsque l’on devient maman. Ce que j’étudie c’est ce changement chez les mamans quand elles l’expérimentent dans un contexte d’expatriation mais également leurs hypersensibilités (un trait de leur tempérament) pouvant influencer leurs processus d’adaptation aux nouveaux pays et à leurs nouvelles identités de mamans.

Raconte-nous ton parcours ?

Comme il arrive assez souvent avec les thèses, J’ai vécu tout ça à la première personne. Je suis hypersensible, je suis devenue maman pour la première fois en Belgique. Puis à la naissance de mon deuxième on à déménagé en Irlande.

Quand j’ai déménagé en Irlande, j’avais un tout petit qui avait à peine trois semaines. J’étais dans le postpartum et en plein déménagement en même temps. Tout ce qui était ma petite bulle, le petit cocon que j’avais créé pour accueillir ce deuxième enfant (les routines que j’avais mises en place, etc.), tous disparaissent d’un coup. Et j’étais forcé à recommencer tout à zéro.

Je me suis retrouvé à remettre tout ça en place en même temps que je me refaisait en tant que femme, physiquement, et en atterrissant dans un nouveau pays inconnu, et en plein hiver! Mais moi encore ça va, je parle quatre langues donc je n’ai pas eu trop de difficultés à me faire comprendre et à communiquer. Mais beaucoup de femmes arrivent dans un nouveau pays et se demandent comment elles vont arriver à communiquer, pour poser toutes leurs questions par rapport à leurs périodes postpartum, écoles, garderies, etc! Des tonnes de questions qu’une personne qui n’est pas maman ne va jamais avoir à se poser.

D’un autre côté il y avait aussi ce que j’avais remarqué pendant mes consultations. C’est qu’il y avait beaucoup de problèmes dans les couples, qui venait précisément du fait que la maman se sente perdue et abandonnée dans ce nouveau pays et lors des déménagements. Ma thèse à commencer par la en fait,  en regardant ce que j’observais en consultation en tant que psychologue. J’ai alors déménagé moi aussi en tant que mère pour la première fois. C’est là que j’ai commencé à faire des interviews à d’autres mamans en dehors de ma consultation et à observer les ressemblances et différences.

Les mamans expatriées, les oubliées?
Irlande 2018

En tant que psychologue qu’est ce qui t’intéresse ?

Après en tant que psychologue ce qui m’intéressait vraiment, c’était de voir l’impact des personnalités des mamans sur leur expérience.

Pourquoi certaines personnes vont avoir moins de soucis que d’autres à faire cette transition d’être maman et pour d’autres plus de problèmes à s’adapter aux nouveaux pays. Ou au contraire plus de difficultés à être mère, avec une intégration dans le pays sans souci. Car il y avait un peu de tout dans les histoires que j’entendais. Donc je voulais regarder quels traits de la personnalité peuvent faciliter où compliquer l’adaptation dans ces deux processus. Et c’est ainsi que je me suis lancé dans cette aventure du doctorat, pour regarder tout ça de plus près.

Un des traits que je regarde est l’hypersensibilité neuronal.

Il y a très peu d’études sur l’hypersensibilité chez les expatriés. Selon les recherches sur l’hypersensibilité, on parle d’un trait de notre tempérament que l’on remarque environ un 15-20% de la population mondiale. C’est un trait qui a un rapport avec les stimuli qu’on reçoit de notre entourage. C’est une sensibilité aux niveaux neuronal, où l’activation est beaucoup plus accentuée, plus forte, plus intense que pour le reste de la population. Est c’est ce trait là que j’étudie.

Quelles sont les caractéristiques de cette hypersensibilité ?

Les personnes vont donner plus de profondeur aux informations, on est plus connecté aux autres au niveau de la sympathie. On a une capacité de percevoir les petites nuances de changement de notre entourage. Comme les changements de lumières, d’odeurs et de textures. Cependant, on va être beaucoup plus rapidement fatigué. Car on perçoit et on absorbe tellement de stimulis qu’au bout d’un moment c’est trop. Est c’est là, qu’on “colapse” par une hyperstimulation. A moins que l’on apprenne à prendre soin de soi, bien se reposer et à calibrer le nombre de stimuli auxquelles on s’expose.

Il n’y a pas encore beaucoup d’études entre l’hypersensibilité et les expats. Mais on voit déjà que le pourcentage semble être plus élevé parmi cette population. Il semble logique que les hypersensibles se sentent attirés par ce “mode de vie”. Car ils ont justement naturellement plus d’outils, due à leurs hyperempathie, profondeur du traitement de l’information, etc. Donc la question que je me pose est: est-ce que l’hypersensibilité est un avantage, ou un désavantage, chez les femmes expatriées? Car il s’agit d’un groupe très spécifique qui transite deux événements fort stimulants en même temps!

Les mamans vont souvent décider de voyager où changer de pays pour leurs enfants, n’est-ce-pas?

Oui justement une chose que j’observe c’est quelles sont les autres variables qui peuvent expliquer le fait qu’on s’adapte mieux ou pas. Je regarde la personnalité mais j’écoute aussi leurs histoires. Il y a certaines mamans qui n’aiment pas voyager, qui sont forcées à le faire par travail ou autre. Je regarde aussi les différences aux niveaux des difficultés qui peuvent venir due à un gros changement de culture, ou bien d’expérience de vie qui les ont marqué, ou d’autres traits de la personnalité. Par exemple le fait d’être plus ou moins extravertie. Car parmi les hypersensibles il y a un 70 %  d’introvertis. C’est en étudiant l’introversion que l’on à découvert que l’hypersensibilité était encore autre chose. Car parmi les hypersensibles on y trouve même des chercheurs de sensation. Ces personnes qui cherchent à pousser l’expérience à l’extrême. Qui prennent plaisir aux sensations fortes.

Pour revenir à ma thèse, ce que j’explore ce sont toutes ces différentes variables. L’objectif est de trouver la meilleure façon de les aider à mieux s’adapter. Arriver à mettre en place de la psychologie préventive, qui puisse éviter certains dégâts associés aux faite de devenir maman en tant qu’expat.

Pourquoi faire une thèse?

Au début, je voulais écrire un livre. C’est comme ça que j’ai commencé à faire des interviews et à observer mes patients en consultation.  Mais c’est vraiment mon expérience personnelle qui m’a porté à voir l’importance d’écrire cette thèse. Pour prouver son importance avec des évidences scientifiques. Car on trouve très peu d’études sur les mamans expats, c’est pourtant un sujet primordial.

On ne parle pas assez de la maternité chez les expatriés. Dans le monde de la mobilité internationale, la diplomatie, etc.  Les mamans expatriées sont invisibles aux yeux de la société et des entreprises. C’est pour ça que je veux contribuer à remplir un peut ce vide.

Le conseil expert de Karina pour les déménagements en famille:

Quand j’explique aux familles qui vont déménager comment faire pour que les enfants aient une transition le plus calme possible, je leurs explique parmi autre choses, qu’il est essentiel de garder au moins trois choses qui restent pareil pendant que “ tout le reste change”. Par exemple si vous choisissez de faire la sieste. Elle devra toujours être au même moment (après le repas de midi souvent, ou bien après une petite vidéo). Si vous avez comme routine de lire un livre avant de dormir, peu importe si on dort dans l’avion ou dans le train, on va lire un livre pour marquer que c’est l’heure d’aller dormir. Comme  ça les enfants ont des repères pendant les trajets et les changements d’horaire. Cela permet aux enfants de garder une structure qui leur donne un sens de sécurité.

Avoir des objets de repère dans un petit sac peut aussi beaucoup aider. Le doudou par exemple, le bavoir avec lequel on mange à midi, le bouquin de dessin pour les plus grands (ils peuvent même se le préparer tout seuls).

Le conseil expert de Karina pour les mamans:

Je dois avouer que ceci à était un grand apprentissage pour moi. Mais la vérité est que l’on ne peut pas tout faire. On est l’ancre de nos enfants, et souvent de notre mari aussi, il est primordial de pouvoir bien faire ces rôles là, de prendre soin de soi. Montrez vous vulnérables, recherchez de l’aide si vous en sentez le besoin. Le soutien du groupe est essentiel pendant la maternité, encore plus dans un contexte d’expatriation ou on n’y trouve pas la présence de nos familles bien aimée.Vos enfants vont aller bien si vous allez bien. Donc ne vous oubliez pas!

Si vous êtes devenue maman en expatriation, il y a peu et vous souhaitez raconter votre histoire pour aider d’autres mamans. Contactez Karina via ce lien:

https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdho7VjVhI_eBIfRTzpcW0j2pPoQCfvkSAuEVE7qmONJzVPEQ/viewform?fbzx=-4391697472586539928

Ou bien son email professionnel; lagarrigue.psicologia@gmail.com